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Le mariage est-il en crise au Japon ?

Au Japon, l’institution du mariage garantit l’unité familiale et la stabilité sociale. Alors que le nombre de familles « non conformes » est encore faible, sa croissance constante suscite des inquiétudes, des débats et de la stigmatisation – le célibat est donc considéré comme un problème plutôt qu’un choix de mode de vie. En matière de mariage, les Japonais doivent encore souvent faire un choix exclusif entre des considérations financières, professionnelles et personnelles. 2 Contrairement à d’autres pays développés, l’état matrimonial du Japon est assez bon.

Le déclin des mariages au Japon

En 2009, la grande majorité des couples cohabitants au Japon étaient mariés, et seulement 2,19 % des nouveau-nés se sont mariés hors mariage en 2009. Pourtant, les statistiques montrent que de plus en plus de personnes ne se marient pas, et l’enquête met en lumière l’existence de ce qu’on appelle les « célibataires à vie », les quinquagénaires qui ne se sont jamais mariés.

En effet, une enquête a montré que 38,7% des hommes célibataires interrogés ont déclaré espérer se marier dans un avenir proche, contre 67,1% il y a trois ans. « Plus de la moitié des femmes célibataires s’attendent à ce que leur mari gagne au moins 4 millions de yens (environ 33 800 euros) par an. Cependant, parmi les Japonaises dans la vingtaine, seulement 15,2% gagnent 4 millions de yens ou plus. »Couple asiatique

Pour citer une raison du déclin du mariage au Japon, il y a l’explosion de la demande des femmes pour épouser des personnages de fiction. Première manifestation :  version numérique du mariage. Par conséquent, les applications de romance donnent spécifiquement aux jeunes femmes japonaises la possibilité d’entretenir une relation amoureuse avec un personnage numérique. Plus de 400 entreprises se partagent actuellement le marché et réalisent, rien qu’au Japon, un chiffre d’affaires de 608 millions d’euros. Agnès Giard, anthropologue, chargée de recherche à l’université de Nanterre, explique comment ces applis sont le premier moyen d’épouser un personnage de fiction.

A Tokyo, la principale émission dédiée aux otome game, enregistrait 100 000 entrées avant la pandémie. Et puis il y a l’autre possibilité : épouser un personnage de fiction, hors-jeu ! Soit en achetant une alliance en édition limitée, gravée à votre nom, celui de votre conjoint fictif, et accompagnée d’un faux certificat de mariage.

Du mariage arrangé au konkatsu

En 1959, le mariage du prince héritier Akihito avec Michiko Sôda est considéré comme un symbole de la naissance du mariage d’amour au Japon. Cette union est née d’une rencontre dans un lieu de villégiature entre un prince et une femme issue d’une famille aisée mais non aristocratique (Ryang, 2006, p. 65). Cette évolution se confirme dans les années 1960 selon des études de l’Institut national de recherche sur la population et la sécurité sociale : le nombre de « mariages d’amour » (ren.ai kekkon) dépasse le nombre de « mariages d’amour » (ren.ai kekkon) « arrangés mariages » (miai kekkon) à la fin des années 1960.

Mariage Japon

Au Japon, il existe une tradition de mariage par recommandation (miai) dans l’élite dirigeante. À la fin du XIXe siècle, dans un souci de modernisation, le gouvernement japonais a encouragé ce type de mariage (Ueno, 1995). Le marieur est généralement une connaissance de la famille et discutera avec les parents. À la fin des années 1920, des agences matrimoniales privées sont apparues dans les centres urbains et visaient carrément les jeunes. Les gouvernements ont également été impliqués dans la réconciliation des mariages pendant l’expansion coloniale pour aider les colons à trouver des épouses japonaises, et après la Seconde Guerre mondiale pour aider les veuves et les anciens combattants à trouver des épouses. Les agences matrimoniales privées ou publiques ont progressivement été préférées aux marieurs traditionnels, les jeunes se sentant plus libres d’exprimer leur choix (Nakamatsu, 2009).

Bien que les mœurs évoluent, on continue de parler de miai pour désigner tous les mariages arrangés. Selon l’Institut de recherche sur la population et la sécurité sociale, en 2005, il n’y avait que mariages arrangés. Cependant, la distinction entre mariage arrangé et mariage d’amour est controversée. Par exemple, selon les statistiques officielles, les rencontres au travail (impliquant 30 couples) sont considérées comme des mariages d’amour, alors que pour d’autres analystes le rôle médiateur de l’entreprise est bien connu :  de nombreuses entreprises embauchent des jeunes femmes non qualifiées selon des critères, dans l’espoir qu’elles épouseront leur employé masculin. À l’inverse, une rencontre arrangée peut évoluer vers une relation amoureuse avant que le couple ne décide de se marier.

Derrière les travaux qui tentent de prouver que les intermédiaires sont encore très répandus dans les pratiques matrimoniales japonaises pointe l’idée d’un particularisme national, selon lequel les Japonais n’ont pas été créés pour les rencontres amoureuses. Face à la disparition des systèmes collectifs d’aide au mariage, les Japonais se retrouveront démunis en raison de leur incapacité personnelle à trouver un partenaire de vie. Cela expliquerait pourquoi les entremetteurs traditionnels ont été remplacés par une série d’entreprises « d’affaires matrimoniales » ou de « recherche de partenaires » connues sous le nom de konkatsu (abréviation de kekkon katsudô). Le terme est construit sur le modèle shûgyô katsudô qui signifie « à la recherche d’un emploi ». En plaçant mariage et travail côte à côte, Masahiro Yamada et Toko Shirakawa (2008) ont voulu montrer qu’après une période facile, quand entrer dans une carrière et devenir un couple marié, s’organise par communauté, presque automatiquement, on voit aujourd’hui, un une transition systémique se produit où les individus doivent franchir seuls les étapes et se battre dans un « marché » concurrentiel.

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